Le Kilimandjaro trône fièrement sur les vastes étendues de la savane Est-africaine. Du haut de ses 5 895 mètres, c’est le plus haut sommet d’Afrique et fascine depuis des siècles des générations d’explorateurs, voyageurs et grimpeurs des quatre coins du monde. Aujourd'hui, Baptiste, amoureux des grands espaces et membre de l'équipe Kazaden, nous raconte son ascension réalisée en 2017, à seulement 19 ans. Du RER parisien aux neiges éternelles du Kilimandjaro, plongez en immersion dans son aventure, première expérience en haute altitude et le début d'une passion pour la haute montagne. Récit.
“J’ai en quelque sorte grandi à l’ombre du Kilimandjaro. Au rythme du Roi Lion et bercé par d'innombrables récits d’aventures dans la savane africaine, cette montagne hantait mon imaginaire d’enfant. C’est aussi pendant ma petite enfance que j’ai découvert les plaisirs de la marche en montagne. Chaque été, je passais plusieurs semaines à arpenter les montagnes de la côte basque avec mes grands-parents. Le vent venant du large, le soleil illuminant ces vastes montagnes vertes et les histoires pour le moins folkloriques de mon grand-père, autant de souvenirs qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
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Le temps a passé et je me suis petit à petit éloigné de mes chères montagnes basques. Je n’avais jamais vraiment pensé à faire une ascension. Pour moi, l’alpinisme et le trek en haute altitude étaient à des années-lumière de mon quotidien d’étudiant parisien. C’est alors que le déclic est arrivé. Coincé dans un RER bondé pour me rendre en cours, j’aperçois une affiche pour un safari en Tanzanie avec, en toile de fond, le Kilimandjaro. Je l’avais presque oublié. Il était toujours aussi majestueux, même dans l’univers irrespirable des transports en commun. La vision du sommet qui avait accompagné mon enfance m’a replongé dans mes longues balades estivales au Pays Basque. C’était décidé, j’allais partir à l’aventure pour vivre mon rêve de gosse, voir ce qu’il y avait tout en haut du Kilimandjaro.
Au rythme du Roi Lion et bercé par d'innombrables récits d’aventures dans la savane africaine, cette montagne hantait mon imaginaire d’enfant.
C’est donc à 19 ans que j’embarque dans mon avion direction Arusha en Tanzanie. C’est la première fois que je pars seul pour un long voyage à l’étranger. Des rêves plein la tête, je vois le sol français s’éloigner petit à petit. Je suis, malgré tout, vite rattrapé par mes craintes. J’ai passé des mois dans la préparation de mon ascension, entre visionnage de vidéos, lecture d’articles et entraînements sur le bitume parisien. Je suis le genre de personne à ne rien laisser au hasard, et pourtant, assis là, dans l’avion, j’ai l’impression de partir dans l’inconnu le plus total. Je n’ai qu’une relative expérience en montagne et je n’ai jamais dépassé les 4 000 m. Cependant, je déborde de motivation et je suis en grande forme physique.
À Arusha, je retrouve d’autres membres de mon groupe. La ville est bouillonnante et déborde d’activité. Ici, se mêlent trekkeurs et amateurs de safaris, dans une ambiance tout à fait dépaysante lorsque quelques heures auparavant, on bataillait pour faire rentrer son énorme sac d’expédition dans le RER. Je rencontre l’équipe locale qui va nous accompagner. Ils sont pour la plupart massaïs, à la posture altière et toujours souriants. À l'hôtel, nous effectuons le briefing de début d’ascension avec les principales consignes de sécurité et le déroulement global de l’ascension. Une fois terminé, un bon petit repas et hop, au lit ! C’est ma dernière nuit dans un véritable lit avant de partir pour plus d’une semaine de bivouac en haute altitude, et je compte bien en profiter.
C’est le grand jour ! Je monte dans un minibus en direction du point de départ de notre trek : Machame Gate (1 640 m). Nous laissons derrière nous la savane à mesure que la route s’élève et que la jungle devient plus dense. Il règne à Machame Gate, une effervescence assez insolite. La jungle nous entoure et pourtant, des centaines de personnes se côtoient et préparent leur ascension, entre trekkeurs, guides et porteurs. Le temps est au soleil et le chemin de terre que nous arpentons est plutôt sec. La température dans la jungle est agréable et permet l’observation de singes et d’oiseaux colorés. L’objectif du jour est le Machame Camp à 2 980 m. Nous finissons par atteindre le camp au moment où le soleil commençait à décliner. Journée longue mais instructive, j’ai trouvé mon rythme sur la vingtaine de kilomètres parcourue aujourd’hui. Ma tente est déjà montée et je n’ai plus qu'à me glisser dans mon sac de couchage pour un repos bien mérité.
Le soleil se lève sur le camp en ce deuxième jour d’ascension. Je n’ai pas très bien dormi sur mon tapis de sol avec la tête posée sur mon sac à dos. Une bonne tasse de thé, un peu de porridge et des biscuits, je suis de nouveau prêt à affronter la montagne. Nous devons aujourd’hui nous rendre au Shira Camp à 3 840 m. La voie est éclairée d’une magnifique lumière dorée et nous pouvons enfin apercevoir les neiges éternelles du Kilimandjaro. Le chemin est accidenté et rend la montée moins monotone. Alors que nous touchons presque au but, le temps change du tout au tout et recouvre d’une bruine légère le camp de Shira, dissimulé dans la brume. Pas de quoi entamer mon moral. Je profite d’une légère éclaircie pour découvrir les anciennes grottes de Shira et pour me reposer au fond de mon sac de couchage. J’ai bon appétit et apprécie nos dîners sous la tente où règne un fort parfum d’aventures.
Malgré une nuit froide et humide, nous entamons ce troisième jour de marche accompagnés d’un ciel bleu sans le moindre nuage. L’objectif du jour est de rallier les mythiques Lava Towers à 4 600 m d’altitude, et continuer notre acclimatation vers le camp de Barranco (3 950 m). La montée est régulière et s’effectue dans un cadre tout simplement exceptionnel. Nous marchons sur d’immenses plateaux volcaniques de pierres noires dénués de toute végétation et balayés par les vents. Alors que les Lava Towers sont en vue, la météo devient capricieuse et la pluie abondante. Apparaissent au même moment mes premiers maux de tête liés à l’altitude. C’est donc dans des conditions dantesques que nous nous réfugions sous notre tente cantine pour déjeuner à 4 600 m. S’en suit une interminable descente sous un véritable déluge. La descente vers le camp de Barranco est une épreuve pour l’intégralité du groupe. Le brouillard s’est levé, un vent froid souffle et la pluie nous douche littéralement. Pendant plus de deux heures, nous avançons tant bien que mal sur un terrain glissant et le moral dans les chaussettes. Nous finissons par arriver au camp dans un brouillard à couper au couteau. Toutes mes affaires sont trempées et je ne sais pas comment je vais pouvoir les faire sécher dans ces conditions. Je pars me coucher encore humide pour une nuit qui s’annonce glaciale et pour le moins inconfortable.
Pendant plus de deux heures, nous avançons tant bien que mal sur un terrain glissant et le moral dans les chaussettes.
Contre toute attente, le soleil est de retour en ce quatrième jour sur les pentes du Kilimandjaro. Nous découvrons tous, en sortant de notre tente, la beauté du camp de Barranco. J’ai le bonheur de découvrir que ma tente est la plus excentrée du camp, située sur un affleurement rocheux dominant l’intégralité de la vallée. Les affaires vont pouvoir enfin sécher, quel luxe ! Nous entamons la journée par l’ascension du légendaire Barranco Wall. Les rochers y sont parfois glissants et certains passages aériens. La vue depuis son sommet est cependant de toute beauté et nous offre un panorama exceptionnel sur le Kibo. Nous progressons à bon pas en suivant notre guide. Le mot d’ordre est “pole pole”, pouvant être traduit en français par “doucement doucement”. Cette journée me semble néanmoins interminable. Je finis enfin par atteindre le camp de Barafu à 4 673 m, dernier camp avant le sommet avec un mal de crâne indescriptible. Nous terminons la journée par un briefing pour l’ascension finale vers le sommet. Avec un dénivelé d’environ 1 200 m et un froid qui s’annonce intense, je préfère partir me coucher très tôt pour reprendre des forces.
Le réveil sonne vers 2 h du matin. Le froid est glacial ! Ma gourde a gelé sous la tente et je dois m’armer de tout mon courage pour sortir de mon sac de couchage. Les lumières des lampes frontales s’étirent déjà en direction du sommet lorsque nous entamons notre marche. Malgré un rythme très lent, certains membres de mon groupe sont distancés et d’autres pris de vomissements. Je continue, un pas après l’autre, à grimper l’esprit perdu dans des pensées confuses. Le froid est intense et l’altitude me rend apathique. Je crois n’avoir jamais été aussi content de voir les premiers rayons du soleil. Je pense même avoir versé une petite larme en observant les premières lueurs du jour. Cependant, la montée est encore longue. Le soleil est désormais haut dans le ciel quand je finis par atteindre Stella Point (5 685 m), non sans avoir voulu renoncer à plusieurs reprises. Le guide nous annonce que le sommet est à 1 h de marche en pente douce. Je suis à bout de force. Je traîne les pieds et commence à marcher en bord de cratère. Je me souviens m’être dit qu’il ne restait plus grand chose des fameuses neiges éternelles du Kilimandjaro…
Je crois n’avoir jamais été aussi content de voir les premiers rayons du soleil. Je pense même avoir versé une petite larme en observant les premières lueurs du jour.
C’est enfin, au détour d’un rocher, que j’aperçois le panneau, celui que j’avais vu sur Instagram en amont de l’ascension et marquant le sommet du Kilimandjaro. Je ne suis plus qu'à 30 m du but et je me remémore mon enfance à me demander ce que c’était que d’aller en haut. Je touche enfin le bois du panneau. J’ai accompli mon rêve d’enfant. Les émotions se bousculent. Je prends ma photo au sommet en étant plus fier que jamais. Bonnet enfoncé jusqu’aux yeux, lunettes de travers et sourire forcé, ma photo au sommet est loin d’être réussie. Elle me vaut encore aujourd’hui le surnom de “où est Charlie” dans ma famille. Tant pis, il est temps de redescendre. Mon esprit est tout d’un coup beaucoup plus clair et seule une idée persiste : maison ! Après plusieurs jours à dormir au sol, par un froid glacial jumelé à une fatigue indescriptible, je ne rêve que de rentrer chez moi pour manger du pain et du fromage dans mon canapé. La descente s’effectue tranquillement avec le reste du groupe, eux aussi vainqueurs du Kilimandjaro. Après une pause déjeuner copieuse et ponctuée d’une bonne sieste, nous continuons la descente vers le camp de Mweka (3 100 m), où je dors, pour la première fois, comme un bébé.
Après une nuit complète en basse altitude, je sens mes forces revenir. La bonne humeur a envahi le groupe après notre succès de la veille. Le soleil brille et nous terminons notre ascension par une descente bucolique dans la jungle. Je reçois mon certificat d’ascension du Kilimandjaro avec autant, si ce n’est plus de fierté que mon diplôme du Bac un an plus tôt ! Nous montons ensuite dans des 4x4 pour un repas dans un restaurant où nous attendent frites, desserts et bières. C’est au cours du repas que nous disons au revoir à nos guides. Attentionnés, souriants, experts en montagne et toujours à l’écoute, on ne peut rêver mieux comme encadrement. Que de bons souvenirs avec eux à discuter de cinéma, de foot (surtout) et de tant d’autres choses...
Je dois quitter mon groupe en premier. Tous partent pour un safari afin de se ressourcer au contact de la nature après notre aventure. Le “petit frère” du groupe doit quant à lui retourner en cours dès le lendemain. Je quitte le sol tanzanien avec des étoiles plein les yeux et des rêves d’autres sommets plein la tête… Depuis, j’ai gravi le Mont Blanc, le Grand Paradis, réalisé ma première expédition dans l’Himalaya sur un sommet à plus de 6 000 m et prépare actuellement l’ascension du Cervin et ma deuxième au Mont Blanc.
Si comme Baptiste, vous rêvez de gravir le plus haut sommet d'Afrique, retrouvez toutes nos formules d'ascension du Kilimandjaro.