À l’occasion d’un voyage en Algérie, Stéphane et ses amis ont exploré le parc du Tassili N’Ajjer, situé à la frontière avec la Libye et en plein désert du Sahara. 5 jours d’aventure dans des paysages grandioses : un condensé de roches ciselées par les vents, d’étendues désertiques de couleur ocre et de dunes de sable rouge. Mais également une immersion au cœur de la culture Touareg, un peuple riche de ses traditions et d'une grande générosité. Récit.
Psartek l’Algérie ! Nous sommes le 29 Février 2020. Cela fait 2 mois que nous attendons ce moment avec impatience. Thibault et Fanny – qui vivent à Alger depuis que Thibault a accepté une position au sein de l’Ambassade, un an plus tôt – ont préparé ce voyage de longue date avec l'agence locale S2S et veillent depuis plusieurs semaines à l’obtention de nos sacrosaints visas ! C’est chose faite (non sans sueurs froides) pour les autres membres de l’expédition : Alexandre, Anne-Claire, Clément, Jean, Marie, Romain et moi. Et on sent déjà qu’on a bien fait de troquer les vacances au ski contre une aventure dans un pays riche de son histoire et de son peuple.
Sommaire
Jour 1 : Oh, Djanet
Après une journée de détente et de retrouvailles, rendez-vous est fixé à l’aéroport d’Alger avec notre guide Tarek. Décollage à 23h vers Djanet, ville de 15 000 habitants aux portes du désert (va savoir pourquoi de nombreux vols ont lieu de nuit, mais l’aéroport est bien rempli !). À l’arrivée, première déconvenue : le sac de trek d’Anne-Claire est sérieusement amoché. Heureusement, "AC" se fait vite une raison et ne se froisse pas trop. On se débrouillera.
Nous retrouvons nos guides et leurs 4x4, direction l’hôtel. Nos chambres sont des petites cases pointues qui s’appellent Tadrart, Dider, Tikoubaouine... On se sent déjà dans l’ambiance.
Jour 2 : en avant la caravane
Réveil sous le ciel bleu et le soleil qui chauffe. A cette saison, le climat est plutôt doux, 10° le matin, 25°C l’après midi : on sent que le paramètre soleil va être déterminant. Nous sommes répartis en trois groupes dans les voitures, direction le désert. Notre chauffeur s’appellera Abdelassem (et non Abdesselem comme nous l’avons cru pendant 3 jours !). Le voyage commence, avec l'écoute de nos premières musiques Touareg. Elles berceront notre quotidien tout au long du voyage. Sur la route, un panneau qui indique Libye (avec une faute d’orthographe svp) ou Niger, c'est au choix !
Nous poursuivons vers la Libye pour arriver au parc, à l'entrée duquel se trouve un barrage militaire. En effet, la zone, quoique proche de la Libye, est très sécurisée par l'armée, ce qui nous rassure un peu au vu de la situation géopolitique. L’agence avec laquelle nous partons a même pu obtenir que nous soyons exemptés d’escorte à l’intérieur du parc, pourtant systématique pour le personnel d’ambassade en Algérie.
Nous y sommes. Peu à peu, le parc révèle ses premiers paysages grandioses : étendues sableuses et roches sculptées par le vent, aux allures d’Ouest Américain. Nous évoluons vers les profondeurs du parc avec nos 4x4 qui se frayent un passage sur les routes escarpées.
Quelques arrêts pour déjeuner et observer nos premières peintures rupestres. Nous profitons d’un arrêt sur une dune pour nous dégourdir les pattes, et faire nos premières cabrioles dans le sable.
Le paysage laisse place à de superbes étendues rocheuses. Nous arrivons dans le fond d’une vallée. C’est là que nous établirons notre premier camp. Le thé d’accueil est de mise, et nous découvrons peu à peu les membres de l’équipe : en plus de nous 8, on compte Ziad, Damien, Marouane et Adel, qui viennent aussi visiter la région ; notre accompagnateur Tarek ; ainsi qu’une véritable caravane Touareg : 3 conducteurs, 1 guide, 2 cuisiniers, 3 mécanos et 1 musicien. Rien que ça !
Nous sommes particulièrement impressionnés par la logistique déployée pour nous, avec tout ce petit monde qui a mis en place un espace de diner/veille et nous a préparé notre premier magnifique dîner : sherba (soupe traditionnelle algérienne à la viande), langue d’oiseaux aux dattes. Un régal ! À l’issue du dîner, première veille avec les musiciens, et premier ciel étoilé.
À propos des étoiles dans le Sahara
Pour les astronomes en herbe, il est à noter que non seulement le désert du Sahara offre un spectacle qui dépasse l’entendement – une fois la lune « couchée » - mais de plus c’est l’occasion d’observer un ciel légèrement différent de celui de nos latitudes. En effet, l’Algérie est immense et nous sommes très au sud, à une latitude similaire à Cuba. Grâce à l’appli Stellarium de Romain, nous révisons nos constellations : Orion, les Gémeaux, le Lion, le Grand Chien...
Jour 3 : pas folle la dune
Réveil 8h30. L’état de forme du groupe est aléatoire, certains ont encore les yeux collés. Il paraît qu’une personne dans le groupe a ronflé, or dans le désert avec ce silence absolu… Personnellement je n’ai rien entendu. Le groupe met en place des raisonnements par triangulation de tentes pour déterminer le responsable de ce bruit parasite. Ce sera un leitmotiv de la journée !
La journée débute par un temps de marche, dans la chaleur du désert. Les paysages s’éloignent des allures de désert du Mojave pour se faire plus lunaires, avec une dominante de sable plus jaune.
En fin de matinée, nous reprenons les 4x4 direction la « cathédrale », un ensemble d'arches ou "portes" ouvertes sur les dunes. Ma soif de grimpe se réveille rapidement, et je décide d’attaquer cette ascension par la paroi de droite, plutôt que par le chemin normal. Pas la meilleure idée : je progresse vite, mais me retrouve en fin de course face à un passage un peu vertigineux. Plus impressionnant que difficile, cela passe sans trop de difficulté, mais petite frayeur quand même ! Première photo de groupe.
La suite de l’après midi, nous apercevons nos premiers chameaux pour arriver au lieu du camp 2 : en contrebas d’une immense dune de sable, qui culmine à 1 080 mètres d'altitude. Et forcément, on ne peut pas ne pas aller en haut. La montée sur 300 m de dénivelé n’est pas aisée, du genre « j’avance d’un pas je recule de deux » à cause du sable qui glisse sous notre poids.
Mais l’effort en vaut la peine : en haut, le paysage est grandiose, fait de plateaux désertiques à perte de vue. La Libye n’est pas loin, à 20km. Nous admirons le coucher du soleil. Anne-Claire a ramené son drapeau breton, histoire de conquérir le désert, tandis que Haissa tape la pose !
La redescente se fera en surf humain pour certains, en roulant pour d’autres. D’ailleurs les coulées de sable créent des vibrations qui résonnent dans la dune. On se dira que c’est le « grondement de la terre ». La journée se conclue sur un couscous, puis une nouvelle veillée sous les chants Touaregs, avec le thé bien-sûr !
Petite parenthèse sur le thé dans la tradition Touareg
Chez les Touaregs, le thé se prend à toute heure de la journée : matin, midi, goûter et soir, parfois jusque tard dans la nuit puisque les veillées de chants peuvent durer jusqu’au petit matin ! Si le thé est un moment convivial et de partage, le service obéit à certaines règles, que respectera tout Touareg qui se respecte :
- Règle numéro 1 : celui qui sert le thé est responsable du service. C'est l'hôte, il est en charge de tout. Donc pas question de vouloir prêter main forte que ce soit pour la préparation, le service ou encore le nettoyage des verres à thé !
- Règle numéro 2 : le thé se sert avec une mousse dessus, que les Touaregs appellent le « cheich » (comme l’écharpe éponyme). On la crée en versant le thé d’un récipient à l’autre. Cette mousse protège le thé lorsque le vent fait atterrir du sable dans le verre. Lorsque l'on boit, la mousse, plus légère que le thé, bascule pour rester en haut. Malin !
- Règle numéro 3 : le thé est servi par tournées de 3. D’abord un premier thé, un peu amer, puis un 2ème, plus sucré, et enfin un 3ème, plus fort. Si une personne arrive dans le groupe au cours du service, alors il devra attendre que tout le monde finisse ses 3 tournées, puis l’hôte refera du thé pour tout le monde. Autant vous dire que ce petit jeu peut durer longtemps si les personnes arrivent les unes après les autres !
Jour 4 : Zaï zaï zaï zaï
Au réveil des troupes, on réalise que Romain s’est levé 1h auparavant pour observer le lever du soleil du haut de la dune. De belles photos et un timelapse réalisé.
Une fois le camp plié, nous prenons la route à pied direction un rocher en forme de trophée, histoire de se rappeler qui a « ramené la coupe à la maison ».
Nous poursuivons notre chemin à la découverte de cavités dans les roches. C’est l’occasion d’apprendre quelques principes de base de survie dans le désert.
Principe numéro 1 : si, dans ta traversée du désert, tu rencontres l’ombre, prends garde à ne pas t’y reposer trop longtemps. Tu risquerais de t’habituer à la fraîcheur et de ne jamais repartir !
Principe numéro 2 : là où il y a des cavités, il y a des serpents ! A l’entrée d’une des cavités, Ahmed le chef du groupe demande au guide de vérifier que le serpent est parti. "C'est bon, il semble parti depuis quelques heures. Les traces ondulées dans le sable commencent à s'estomper." Rassurant... ou pas !
Nous reprenons la route, et l'équipe d'organisation nous a préparé une surprise : un déjeuner au cœur d’un rocher. « Psartek le palace ! », comme dit Zyad. On se régale dans ce cadre somptueux.
L’après midi, les routes se font plus escarpées et mettent les capacités de nos pilotes à rude épreuve. C’est qu’il faut progresser à travers de véritables enchaînements de tas de sable, roches, creux à prendre au ralentit, et dunes à pleine vitesse... le tout en ménageant le plus possible les 4x4, qui sont de vieux modèles des années 80. En effet, l’électronique des modèles actuels ne résisterait pas aux conditions du désert ! Or comme ce sont les outils de travail des Touaregs, ils y apportent le plus grand soin.
Nous nous installons pour le camp 3, où Marwan, principal suspect des ronflements, est prié de se mettre un peu à l’écart ! Certains d’entre nous improvisent une pétanque avec des coloquintes - des fruits du désert qui ressemblent à des pastèques naines – tandis que Ziad court après sa tente, qui s’est envolée, sous les rires des touaregs.
Au menu du soir, une galette de couscous cuite sous le sable. La recette ? Cuire la galette 2 fois 20 minutes sous les braises, puis la sortir, l’émietter et la plongée dans une sauce de type chorba. De quoi nourrir ton homme – et c’est si bon que Damien en reprend 3 fois !
La veillée de ce soir là prend une tournure festive : les touaregs sont en forme, Serge-Marc (dont le père a voulu choisir un prénom français !) a pris un jerrican en guise de djembé et lance des cris réguliers. Nous chantons et dansons de nombreuses heures, c’est un vrai marathon, jusqu’au coucher de la lune à 3h.
A propos des musiques Touaregs
Nous avons de la chance, car notre musicien est, d’après les dires de Tarek, le « meilleur de la région ». Les chants touaregs sont pour la plupart des chants traditionnels, ou bien des dérivés de musiques algériennes connues repris à « la sauce touareg ». Leurs paroles sont souvent des principes de base pour une bonne existence, et prônent la simplicité, le respect des autres, la fuite de la matérialité…
Les musiques démarrent lentement, initiées par le musicien, puis peu à peu le rythme s'accélère, on frappe dans ses mains et on se met à danser. Le rythme progresse encore et on se laisse emporter dans une espèce de transe. Un chant peut durer parfois 10 minutes ! Une fois la musique terminée, l'énergie retombe et le musicien part de façon douce sur une autre mélodie. Et ainsi de suite...
Jour 5 : vers le Nord
Notre marche matinale est l’occasion de comprendre pourquoi les touaregs sont toujours couverts. Réponse de Haïssa : pour protéger la peau, en premier lieu, mais surtout pour conserver l’humidité. En effet, en étant bien couvert, l’humidité perdue à travers les pores est conservée. Cela permet de garder les vêtements légèrement humides, et ainsi de conserver une température modérée près du corps.
En ce 5ème jour, nous quittons la partie Sud du parc (le Tadrart) pour aller explorer le Nord. Nous reprenons la route pour plusieurs heures : il faut dire que le parc est grand comme la Corse ! Les vallées défilent, avec de grandes étendues de sable sur lesquelles nous avons la sensation de glisser, à pleine vitesse. Seul incident sur la route, une crevaison, que les mécanos réparent en 3 min chrono, grâce à une rustine. Chapeau !
Nous arrivons en fin d’après-midi dans un paysage digne de Star Wars : une immense étendue de sable ocre, au sein de laquelle se dressent de grands rochers façonnés par le vent. Nous commençons à dresser le camp du soir, mais les touaregs semblent inquiets...
Au bout de 15 minutes, la consigne est donnée. Une tempête arrive, il faut aller s’abriter ! Nous rangeons tout en vitesse, et montons dans les 4x4. La visibilité est réduite, les vents de sable se font de plus en plus intenses, mais au détour d’un virage, les pilotes s’enfoncent dans une vallée protégée. Nous y passerons la nuit. Le temps se calme, nous improvisons une petite virée aux alentours, avant de rentrer au bivouac. Ce soir, Tarek a trouvé une guitare, donc nous aurons la chance d'avoir Alexandre qui accompagne le musicien lors de la veillée...
Jour 6 : à la clairefontaine
Romain a proposé d’aller voir le lever du soleil depuis les hauteurs. Cette fois, je serai de la partie. Réveil matinal donc, pour aller faire un peu de grimpette. Et ça vaut le coup : devant nous, le paysage se dévoile, à mesure que le soleil monte derrière la montagne. Magistral !
Aujourd’hui, Tarek nous a promis qu’on se baignerait. Cela fait plusieurs jours qu’il évoque « l’oasis », qui se trouve actuellement à 1 heure à pied. La randonnée est variée et ludique, cela grimpe pas mal. Certains, ayant le vertige, ne sont pas super à l’aise, mais le groupe les aide dans la progression, qui se fait sans encombre.
Et enfin, la voilà, cette étendue d’eau au milieu du désert ! Elle n’est pas bien chaude (de 12 à 18°C selon les différents pronostics), mais on est tous heureux de se laver autrement qu’aux lingettes pour bébé !
C’est notre dernière journée dans le désert. Nous quittons les étendues de sable et de roche pour faire un tour au souk de Djanet. On reprend contact avec la civilisation, puisque depuis que nous sommes partis de métropole, nous n’avons pas eu accès à internet ! Nous prenons quelques nouvelles, l’épidémie semble progresser en France, on est plutôt contents d’avoir été coupés de la psychose ambiante. Marie n’est pas au top, la blague tombe : « T’as chopé le Corona dans le désert Marie ?! ».
Dernière surprise du programme : nous passons une dernière veillée dans le désert, tout près de l’aéroport, bien rassasiés par notre dernier repas : du mouton cuit dans le sable, sous les braises. L'occasion de chanter encore quelques "Soudani Soudani..." et nous quittons les Touaregs, avec le sentiment de dire au revoir à notre nouvelle famille.
Merci à Anne-Claire pour ses notes qui m’ont permis de rédiger ce récit. Aux photographes en herbe pour les super clichés. À tout le groupe pour ces moments magiques passés ensemble, loin de la civilivation. À Tarek et l’agence S2S Travel pour l’organisation. Et aux touaregs pour nous avoir reçus comme les leurs.